Encore plus que le précédent, ce deuxième Legras sera un outil de travail, un répertoire scientifique, et un très beau livre d’art. Une nouvelle fois, il tentera de démolir les erreurs et les poncifs (François-Théodore, devenu Auguste Legras, même sous la plume d’érudits qualifiés du verre) en attribuant définitivement au maître de Saint-Denis ce qui lui revient : les vases bigarrés appelés à tort Clichy, la série opaline décor Delft, les signatures Leg, Montjoye ou Sargel… Il précisera aussi la biographie de celui qui se situa entre l’Art Nouveau et l’Art Déco, témoin et acteur, dans ses productions successives, de l’une ou l’autre influence.
Legras n’est pas Gallé, sous-entendent souvent avec mépris ou jalousie, les connaisseurs ou spécialistes autoproclamés. Et pourtant…
Ce capitaine d’industrie, dont les gigantesques usines tournaient jour et nuit, fabriquant aussi bien des pièces purement utilitaires à destination des armoires de la ménagère, des hôpitaux, des pharmacies, que de véritables chefs d’œuvre ou des pièces décoratives à l’usage du plus grand nombre, fut un homme de son temps et… du nôtre. Quel plus bel hommage que ce beau livre ?
Les auteurs, Jean-François et Marie-Françoise Michel, qui animent les sites de l’association Saône lorraine (dont fait partie le musée du verre à la Résidence d’Hennezel-Clairey), Jean et Dominique Vitrat, grands collectionneurs et spécialistes reconnus du maître de Saint-Denis, se trouvent épaulés par d’autres connaisseurs, par exemple Bernard Delemontey, conservateur du musée du verre d’Hennezel-Clairey, ou l’Unité Archéologique de Saint-Denis.
Inutile de dire que depuis que Legras fait l’objet de recherches et de publications, l’engouement pour ses productions a été relancé dans les ventes aux enchères publiques.
Une grande page d’histoire de l’art, mais aussi des techniques de fabrication, et de la vie sociale dans les usines franciliennes.
Basée sur les souvenirs du célèbre verrier Heiligenstein (qui travailla à Saint-Denis dans sa jeunesse) et sur des documents familiaux, l’étude précisera les techniques de fabrication dans les ateliers des usines Legras. Plus de pages, plus de photos, plus de pédagogie encore…
Mais le livre fera également le point sur les liquoristes de la Belle Epoque, clients de Legras, et dont certains existent encore.
Il éclairera aussi les sombres conditions d’une partie du personnel : les gamins espagnols, les réseaux de l’abbé Santol, les accidents et conditions du travail du verre. Ni polémique, ni angélique, le livre sera aussi un récit de la vie ouvrière dans la plaine Saint-Denis.